« Monopoly des inégalités » : une expérience immersive pour sensibiliser aux inégalités

« C’est vraiment injuste, je ne peux pas acheter la rue de la Paix et en plus, je touche pas le même salaire que toi quand je passe par la case départ ». Cette scène ne se déroule pas autour d’une table familiale un dimanche après-midi, mais lors d’un atelier « Monopoly des inégalités » dans un cadre professionnel. Cet outil de sensibilisation de l’Observatoire des inégalités bouscule les consciences.

Un an après la création de la version professionnelle de notre jeu sérieux, dressons un premier bilan. Nous sommes intervenus auprès de plus de 1 300 adultes au sein de 44 organisations, des entreprises, des services publics ou des employeurs associatifs.

Après deux heures de jeu et de débat, les résultats sont là : 94 % des participants recommanderaient cet atelier à leur entourage professionnel. Ils se disent éclairés et motivés pour s’impliquer dans la lutte contre les inégalités, et mieux outillés pour sensibiliser leurs collègues ou agir à leur échelle.

Un jeu sérieux en version pro

Dans notre jeu « Monopoly des inégalités », vous incarnez un personnage. Selon sa catégorie sociale, son sexe, son âge, sa couleur de peau ou son handicap, vous vous ne traverserez pas de la même manière les événements du plateau. Vous êtes Aurel, un cadre de 55 ans ? Touchez un salaire trois fois plus élevé qu’Aude, une employée de 19 ans. La carte « travail de nuit » ne vous concerne pas. Contrairement à Mohammed, votre voisin de plateau : il travaille de nuit depuis dix ans, sa santé s’en ressent et il perd un tour. Mais si vous tirez la carte « emploi des seniors », une mobilité interne vous est refusée à cause de votre âge.

Le jeu montre aussi les progrès réalisés dans certains domaines et la manière dont la solidarité réduit les inégalités. Vous piochez « coming out » et décidez de révéler votre homosexualité à votre entourage. Ça se passe bien, relancez les dés ! 85 % des Français considèrent en effet l’homosexualité comme une manière comme une autre de vivre sa sexualité, alors qu’ils n’étaient que 54 % en 1986. Autre exemple, la carte « ascenseur social » vous permet d’obtenir un diplôme et de changer de catégorie sociale.

À la version initialement conçue pour les jeunes jusqu’à 25 ans, nous avons développé une extension réservée à nos interventions en entreprise. Cette version permet d’aborder des situations spécifiques au monde du travail et des préoccupations adultes, avec des cartes telles que « précarité énergétique », « accident du travail », « vos parents vieillissent », par exemple. Chaque règle s’appuie sur les données de l’Observatoire des inégalités.

De la prise de conscience à l’action concrète

La mise en situation crée un déclic. Se heurter aux embuches vécues par un personnage défavorisé ou en situation de handicap suscite un fort sentiment d’injustice et donne envie d’agir. « Ce jeu amène à réfléchir sur notre société mais surtout à repenser nos perceptions et actions individuelles. J’ai beaucoup apprécié les éclairages apportés par l’intervenante. Je n’en avais pas conscience car je ne suis pas concerné », raconte un cadre supérieur d’une entreprise de produits cosmétiques. Même les professionnels confrontés aux difficultés sociales dans leur travail sont touchés : « La mise en situation et l’identification permettent de ressentir de façon plus forte les enjeux de notre société et l’importance de lutter contre les inégalités », témoigne la salariée d’un office HLM.

Les formats de cet atelier s’ajustent au contexte : deux heures pour une séance de sensibilisation et de cohésion d’équipe, trois heures pour construire un premier plan d’actions interne. Enfin, dans les grandes organisations, nous formons des facilitateurs internes, pour que ces ambassadeurs « diversité-inclusion » puissent à leur tour animer l’atelier auprès de leurs collaborateurs.

Quel que soit le format choisi, la sensibilisation est un premier pas vers l’action. « La séance a marqué les esprits ! Nous en parlions encore ce matin en réunion RH. Plusieurs d’entre nous souhaitent d’ailleurs revoir des pratiques mises en place depuis quelques années, pratiques égalitaires mais non équitables… », nous écrit la responsable de formation d’un grand musée public.

Illustration / © Laszlo Jalladeau

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